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Brexit en décembre 2017 : la grande incertitude

Dernière mise à jour : 10 févr. 2021



Madame Theresa May est devenue première ministre du Royaume-Uni depuis le Référendum du 23 juin 2016, qui a vu la victoire du « Leave » dénommé Brexit par 51,9 % (avec une participation de 72 %), montrant que la majorité des britanniques souhaitaient quitter l'Union Européenne (UE), qui va se trouver ainsi réduite à 27 membres.


Elle a officialisé ce Brexit par une demande de séparation de l'UE le 29 mars 2017 ce qui, au titre de l'article 50 du traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 entre 27 États membres de l'UE (sans la Grande Bretagne), enclenche une procédure de 2 ans pour mettre en place les modalités de cette séparation.


Donc, le 29 mars 2019, la Grande- Bretagne ne fera plus partie de l'UE.


Cela ne fait pas l'affaire du patronat Anglais, qui freine des 4 fers, pour ne pas perdre des accès au marché Européen, et surtout des activités financières lucratives basées dans la City de Londres qui vont s'expatrier sur le continent.


Activités en cours de transfert depuis Londres vers d'autres lieux


Déjà, l'EBA (European Banking Authority) ou ABE en Français, va émigrer à Paris avec ses 170 employés : le 25 novembre 2017, Paris a été désignée par un vote des membres de l'UE, au 3ème tour de scrutin, par 13 voix contre 13 pour Dublin, puis tirage au sort favorable à Paris du représentant Estonien.


L’ABE est l’une des trois agences créées en 2011 pour réguler les services financiers, aux côtés de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP). Paris, qui abrite déjà l’AEMF, estimait légitime d’attirer également le régulateur chargé des banques.


Un peu plus tôt, ce même jour du 25 novembre 2017, il a été voté que l'EMA (Agence Européenne du Médicament) va émigrer à Amsterdam en 2019. Comme pour Paris avec l'EBA, il a fallu 3 tours de scrutin pour départager Amsterdam de Milan, et il a fallu aussi recourir au tirage au sort,


L'EMA et ses 900 employés est le passage obligé pour les laboratoires pharmaceutiques souhaitant commercialiser un nouveau médicament dans l’ensemble de l’Union. Elle est également chargée de la surveillance et de la pharmacovigilance des médicaments vendus dans l'Union Européenne.


De même, Paris pourrait devenir un point cardinal sur la carte des banques des grandes fortunes du Moyen-Orient, à la faveur du Brexit.


Ces puissants établissements du Golfe et du Levant ont deux priorités liées : garantir les intérêts de leur riche clientèle dans l'immobilier et l'export vers le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.



D'après le journal « Les Echos », des choix imminents vont être faits :


« La National Bank of Kuwait, à la tête d'environ 80 milliards de dollars d'actifs, s'oriente vers un choix similaire. Selon des sources, l'établissement envisagerait de transformer sa succursale française actuellement rattachée à Londres, en filiale de plein exercice de la maison-mère à Koweït. Elle doit arrêter son choix d'ici à fin novembre.

Bank ABC (Arab Banking Corporation), un établissement du Bahrein de 29 milliards de dollars d'actifs, va aussi arbitrer sous peu entre Paris et Francfort. Le groupe détenu par le fonds souverain koweitien et la banque centrale de Libye, opère à Paris, Milan et Francfort sous passeport britannique.

« Le Royaume-Uni cessant d'être membre de l'Union européenne dans dix-huit mois, cela nous obligera à filialiser une entité au sein de l'Union », souligne Fehmi Hannachi, le responsable des activités de la banque à Paris.

La ville allemande, dit-il en pesant ses mots, « a l'avantage d'héberger des institutions financières européennes et d'être au cœur de la première économie exportatrice en Europe ». Cependant, la capitale française « est une place forte pour le groupe ABC pour les activités de finance de négoce et au vu de sa proximité et de la qualité de ses relations institutionnelles avec les marchés d'Afrique du Nord ».

Les temps sont donc durs pour la City de Londres.


La banque Goldman Sachs hésite entre Paris et Francfort. Jose Manuel Barroso, ancien président de l'UE du 22 novembre 2004 au 3 novembre 2014, passé depuis chez Goldman Sachs, a certainement un avis autorisé sur cette question. Il a été remplacé par le luxembourgeois Jean-Claude Junker, à la direction de l'UE.


Ce saut dans l'inconnu que constitue le Brexit, comme le prévoyait l'ex-premier ministre David Cameron, ce choc compulsif, comme le dit George Osborne, ex-Ministre des Finances du gouvernement Cameron (autrement dit Chancelier de l'Echiquier), remplacé par Philip Hamond, se matérialise aujourd'hui,


La livre sterling plonge et la Banque Centrale du Royaume Uni baisse ses taux, une première depuis 7 ans,


Theresa May en difficulté : les dossiers à traiter en urgence


De nombreux conservateurs s'agitent pour faire tomber Theresa May, y compris dans son propre gouvernement comme Boris Johnson, ministre des Affaires Étrangères (Foreign Office) ou Michael Grove (Secrétaire d’État à la justice). Ce sont les tenants du Hard Brexit, reprochant sa mollesse à Theresa May, Néanmoins, ils reculent devant une élection anticipée, car le risque d'une victoire du travailliste Jeremy Corbyn n'est pas exclue. La meilleure solution serait pour eux un vote du parlement, mais il faudrait pour cela une majorité des 2 /3 des députés, d'après une réforme votée en 2011.


D'ici la sortie programmée de la Grande-Bretagne le 29 mars 2019, 3 dossiers prioritaires sont sur la table des négociations avec l'UE :


· La facture du divorce, estimée par Bruxelles à 60 milliards d'€, que Theresa May propose de réduire à 40 milliards d'€, que beaucoup de députés britanniques voudraient même réduire à 20 milliards d'€. Cette facture doit être réglée à la fin du cycle budgétaire en 2020.


· Le statut des citoyens Européens installés au Royaume-Uni.


· La question épineuse de la frontière entre les 2 Irlande. Depuis les législatives anticipées du 8 juin 2017, Theresa May dirige un gouvernement minoritaire qui a besoin de l'alliance des 10 députés unionistes d'Irlande du Nord. Or ceux-ci, par la voix de leur présidente Arlène Foster, veulent fermement être rattachés à l'Angleterre et qu'une frontière soit installée avec l'Irlande. Elle est appuyée pour cela par Liam Fox, ministre britannique du Commerce Extérieur, qui n'envisage pas de statut spécial pour l'Irlande du Nord, tout au moins pas avant la seconde phase de l'accord commercial UE-GB en mars 2019. Ce que refuse catégoriquement le premier ministre d'Irlande Léo Varadkar ; lequel est menacé de démission par un scandale touchant sa vice-première ministre.,


Sans compter la question du statut de Gibraltar : l'UE veut un accord avec Madrid, ce que refuse la Grande Bretagne.


Également la question de l'Ecosse europhile, où la première ministre, Nicola Sturgeon, a annoncé le 13 mars 2017, qu'elle solliciterait un vote du Parlement Écossais pour organiser un deuxième vote sur l'indépendance de la province.


Si ces 3 dossiers sont réglés en 2019, ce qui est loin d'être le cas, les 2 parties aborderont les questions concernant les échanges commerciaux et les aspects juridiques.


Mais déjà, R. Azevedo, patron de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) a prévenu que le Brexit coûterait 5,6 milliards de livres par an aux exportateurs britanniques. Il considère cependant que le Brexit est gérable, en instaurant des barrières douanières et tarifaires, et en veillant à multiplier des accords de libre-échange.


Et il est aussi question du remplacement des 73 députés européens britanniques, en constituant des listes transnationales.


Quelles solutions pour préserver les positions fortes du Royaume Uni


Certes la Grande Bretagne pourrait s'essayer à être un paradis fiscal,


Mais d'une part, ce n'est pas le moment, avec les paradise papers, et d'autre part le Royaume Uni est une entité trop grosse pour cela. En effet, une baisse des taxes permettrait de vampiriser des richesses étrangères, mais cela ne compenserait pas la diminution des rentrées fiscales.


Heureusement que dans le Common Wealth se cachent de nombreux paradis fiscaux, où viennent s'installer les grandes fortunes Anglaises (à commencer par la Reine d'Angleterre, mais aussi Lord Ashcroft ou Richard Bilton) : Sainte-Lucie, Samoa, Vanuatu, les Bahamas, Antigua et Barbuda, Dominique, Trinidad et Tobago, les Bermudes, les îles Caïman, Grenade, les îles Cook, les îles Marshall, les îles Vierges, Jersey, île de Man (où il existe une société pour 3 habitants),


Mais pour cela, des grandes entreprises françaises comme Dassault ou Airbus ne sont pas en reste.


Et la plus grande entreprise bénéficiant de ces facilités financières, est le géant minier Glencore, avec 107 sociétés off-shore.


La tradition ultra-libérale anglo-saxonne, inaugurée par Margaret Thatcher (et Ronald Reagan), visant à favoriser les riches investisseurs au détriment des couches populaires, ne peut être trop accentuée, car l'augmentation de l'appauvrissement de ces couches populaires deviendrait ingérable, favorisant le travailliste Jérémy Corbyn.


En matière de tradition libérale, le 10 Downing Street n'a pas hésité à saisir la Cour de Justice de l'UE en septembre 2013, pour mettre en échec des dispositions de la directive européenne imposant le plafonnement des bonus. Et George Osborne, en tant que Chancelier de l'Echiquier du gouvernement Cameron, avait fait adopter en janvier 2012, le Financial Services Act, abolissant le Banking Act de 2019 du précédent gouvernement travailliste, qui redonnait à la Banque d'Angleterre la prééminence non partagée des fonctions de régulation et de contrôle prudentiel du système bancaire .


Ceci est contraire aux prescriptions plus globales du Comité International de Bâle (Bâle III) regroupant tous les grands pays du globe, en matière de ratio de solvabilité et de liquidité,


Alors que le rapport de Lord Adair Turne, président de la Financial Services Authority, indiquait déjà en 2009 qu'il était temps de contrôler les dérives du secteur financier, se conformant ainsi à Bâle III.


Les accords commerciaux que le Royaume Uni négocie avec le reste du monde vont être plus difficiles que si la GB était restée au sein de l'UE. Sachant aussi que la moitié des échanges commerciaux se font avec l'UE.


C'est ainsi qu'un accord particulier est en discussion entre le Royaume Uni et la Norvège sur les biens et les services, ou avec la Suisse, sur les biens mais pas sur les services. Ou aussi avec la Turquie. L'UE a accepté, concernant la Suisse et la Norvège, à condition que ces pays permettent la libre circulation des personnes, au titre de l 'Espace Schengen.


Les directives de Bruxelles, pourtant libérales en matière économique, ont fait se dresser les ultra-libéraux anglais, favorables au Brexit. Ceux-ci considèrent que, sans les charges de l'UE, ils pourraient diminuer les régulations contraignantes, ce qui améliorerait la compétitivité, et favoriserait de nouvelles relations commerciales avec des pays émergents à fort potentiel.


Comme le dit Michael Grove : « Nous ne voulons pas de lois votées par des politiciens d'autres pays, que nous n'avons pas élus et que nous ne pouvons chasser. » .


Ils prônent la sortie des négociations en cours, en particulier avec les États-Unis (Accord Transatlantique dit TTIP, que Donald Trump veut arrêter).


La question du contentieux financier n'est pas réglée, la question de la frontière entre les 2 Irlande est au point mort et le sort des expatriés de l'UE en GB reste en suspens.


Les échéances sont continuellement repoussées.


Les partis sont déchirés, le parti conservateur au pouvoir comme le parti travailliste de Jérémy Corbyn.


L’Écosse et l'Irlande du Nord menacent de faire sécession de la Grande Bretagne afin de rester au sein de l'UE.


Instabilité de l'UE et contexte international


L'UE est elle-même menacée d'éclatement, entre les pays de l'ex-bloc soviétique dirigés par des gouvernements populistes réactionnaires anti-immigrés (Pologne, Hongrie essentiellement), l'instabilité politique en Allemagne où Angela Merkel peine à constituer un gouvernement dit arc-en-ciel avec les centristes et les verts, des pays traversés par des régions sécessionnistes (Catalogne en Espagne, Ligue du Nord en Italie), et enfin des pays ne supportant plus les contraintes antisociales de Bruxelles (Grèce, Chypre, Portugal).


Le nombre des migrants a triplé en Grande Bretagne entre 2004 et 2015. Il est passé de 1 million par an à plus de 3 millions. Il s'agit surtout de ressortissants de l'UE : polonais, bulgares, roumains.


Mais la disparité des conditions économiques et sociales au sein de l'UE est source de faible croissance et de chômage, même si ce dernier est réduit en Grande Bretagne.


Cela engendre des frustrations à propos de l'accueil de ces migrants, d'autant plus que les attentats de Paris et Bruxelles ont fait craindre une vulnérabilité accrue du Royaume Uni.


Par ailleurs, aux frontières de l'Europe, des régions entières sont dévastées par des guerres meurtrières et des épidémies, au Moyen-Orient comme en Afrique, sans compter les conflits en Ukraine, en Géorgie et en Turquie. Des populations entières fuyant par tous les moyens ces conflits, frappent aux portes de l'Europe, laissant de nombreuses victimes en Méditerranée (60000 en 10 ans).



Prochaine réunion UE-GB du 14 décembre 2017 : que faire ?


Les atermoiements dans les discussions entre la GB et l'UE vont s'éterniser car aucune des parties ne se décide à couper le cordon lucratif pour la finance internationale.


Les optimisations fiscales des grandes entreprises et des grandes fortunes ne sont que du brigandage. Ce que paient les travailleurs pour soi-disant réduire les dettes publiques, va dans la poche des prédateurs capitalistes, qui s'empressent de cacher cet argent dans des paradis fiscaux.


Les mesures d'assouplissement financier de Mario Draghi, président de la Banque Centrale Européenne (60 milliards d'€ fabriqués tous les mois alimentant la spéculation et ramenés récemment à 30 milliards d'€, taux de base bancaires quasiment à zéro) ont permis vaille que vaille de maintenir à flot les banques et les états endettés, au prix d'un accroissement monumental du bilan de la BCE (4000 milliards d'€), équivalent de celui de FED (Réserve Fédérale Américaine).


Un timide redémarrage économique est constaté avec un taux de croissance de la zone Euro montant vers 2 %, mais avec un taux d'inflation insuffisant autour de 1,5 %, du fait d'un pouvoir d'achat insuffisant des populations, et d'une disparité trop importante des revenus au sein de l'UE.


Coincés entre le protectionnisme US et les prix bas de pays comme la Chine, le tandem GB-UE est ballotté sans savoir dans quelle direction aller.


Des événements au niveau mondial, comme des conflits majeurs ou l'éclatement de la bulle financière, peuvent rendre caducs les négociations du Brexit.


On s'oriente donc vers une impasse dans les discussions UE-GB du 14 décembre 2017, et donc vers de nouvelles élections générales en Grande Bretagne.


Un chaos politique total menace à brève échéance le Royaume Uni.



Photo de Christian Lue sur Unsplash

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