top of page

Jean Grobla









CÉRÉMONIE EN HOMMAGE À JEAN GROBLA

26 juillet 2021


Crématorium du Père Lachaise

Salle de la Coupole




















Jean Grobla et Maurice Najman (1969/1970)












(Rue du Coüédic, vers 2007)



Musiques

1 Canticum hebraicum – Chœur



2 El Moleï Rahamin - Hymne en hommage aux victimes d'Auschwitz – Shalom Katz







(Visite des Rucker à Paris, juin 2012)


Jean fut incontestablement la rencontre la plus importante de ma vie.


Il avait une personnalité complexe, hors du commun, qui m’a entraînée dans une aventure de presque cinquante ans.


Structuré autour d’une histoire personnelle liée à la tragédie juive, il s’était forgé très jeune un caractère de résistant et de militant (je pense qu’il va beaucoup en être question au cours de cette cérémonie). Son intelligence souple et profonde, sa capacité d’abstraction, sa sensibilité, sa liberté et sa finesse d’esprit, son expérience, sa culture, ses intérêts encyclopédiques et surtout, surtout, son humour toujours décalé et inattendu, le mettaient à l’abri des topos, des modes et des dogmatismes. Il me faisait beaucoup rire. Parfois juste entre nous, pour le plaisir.


Lecteur insatiable, dévoreur de livres et de presse, il voulait encore et encore apprendre, pour comprendre et partager, ce qu’il faisait sans jamais se lasser avec ses proches, voire dans toutes les autres circonstances de sa vie.


Jean aimait beaucoup la vie : toute la vie : l’orage, la pluie, le soleil, le vent, les tempêtes, mais il aimait surtout les gens, la bienveillance, l’amitié, la fidélité et l’amour : c’est pour cela qu’il a fondé une famille : une femme et deux enfants, lourde responsabilité mais mission accomplie.


Il s’était fait un devoir de vieillir — un pied de nez à l’histoire — « jusqu’à cent-vingt ans ! ».


Arrivé au bout du bout de son chemin, il s’est effacé, dans la plus grande dignité, entouré des siens, comme il l’avait souhaité, dans sa maison qu’il aimait tant et dans laquelle il avait enfin pu prendre racine.


Il nous aimait.

Nous le lui rendions bien.


Merci à vous toutes et tous d’être là pour témoigner et pour l’accompagner dans son dernier voyage.


Je vous reprécise que les chansons sont le fruit de ses choix. Il nous avait laissé ses consignes.

Nicole Grobla


Musique

3 Que serais-je sans toi – Jean Ferrat




Le moment est malheureusement arrivé de dire adieu à Jean, notre cousin et ami.


Nous nous sommes toujours connus ou presque, puisque, lors de nos passages à Paris, nous avions le plaisir de passer un moment dans la maison de la rue du Coüédic mais depuis notre installation dans la région parisienne, nous nous fréquentions vraiment : les rencontres dans notre banlieue ou à Paris, ou dans un petit resto qui lui plaisait, nous ont permis d’approfondir notre relation familiale et amicale. Nous avons aussi partagé bien des moments de musique et d’arts plastiques grâce à la production de nos enfants.


Les discussions autour d’un thé, avec la complicité de Nicole, nous entraînaient dans des débats passionnés mais les échanges, parfois vifs, étaient toujours amicaux, sources d’enrichissement et aussi de rires partagés.


Le passé a été très souvent évoqué car sa vie et celle de sa famille avaient été marquées par bien des épreuves. Il en avait fait un récit pour ses enfants, récit qu’il nous a accordé le privilège de découvrir. Ce récit illustre au plus près le caractère de Jean : simple et précis pour rendre compte de moments qui me paraissaient très difficiles : il a su, dans son enfance si troublée par la guerre, vivre une vraie enfance et sortir de ces années avec une approche de la vie et des gens très tolérante. Il ne jugeait pas.


Il a été aussi un merveilleux auditeur quand Pierre parlait de ses rêves et de ses déceptions, toujours compréhensif et affectueux.


Nos dernières rencontres, assez fréquentes ces dernières années, sont un souvenir heureux pour nous car nous riions beaucoup en dégustant des gâteaux ou des salades de fruits dans le petit coin de jardin de la vieille maison. Jean nous faisait oublier qu’il était malade et menacé. On avait envie de revenir.


Nous reviendrons dans la maison de Simone, Nicole et Jean, pour évoquer son souvenir et tous ces bons côtés que j’ai racontés. Il nous manquera beaucoup, mais nous essayerons, comme lui, d’être positif et quand même heureux.


Merci Jean d’avoir été notre cousin et notre ami.


Pierre et Marie-Hélène Bonjean


Musique

4 Ol’ Man River – Paul Robeson




Jean et moi, nous nous sommes connus en 5e au Lycée Jacques-Decour, il y a 74 ans.


C’est mon ami le plus ancien. Séparés en 3e nous nous sommes retrouvés étudiants en médecine. Nous préparions ensemble les examens de fin d’année, chez ses parents, rue de l’Échiquier. J’étais souvent invité à déjeuner avec la famille Grobla. C’était chaleureux.


Jean m’a fait connaître des étudiants de l’UEC, à laquelle j’ai également adhéré.


Jean connaissait mes envies de théâtre. C’est lui qui m’a indiqué le cours Dullin, à Chaillot, proche de l’agence de pub où je travaillais alors. Cela m’a encouragé à changer de profession et à devenir comédien.


Bien sûr Marie-France et moi avons fait la connaissance de Nicole, Olivier, Judith et Nadège.

Par hasard, plus tard, Judith, professeure de violon au conservatoire du 20e, a eu mon petit-fils Élias comme élève.


Bien que nous vivions, les uns à Paris et les autres à Lyon, nous avons saisi maintes occasions de nous rencontrer pendant toutes ces décennies... pour fêter mes soixante-dix ans, pour les quarante ans d’Olivier… et pour assister à de nombreux concerts de Judith.


Je me rappelle enfin les moments où j’ai accompagné les parents de Jean, quand ils nous ont quittés.


Aujourd’hui, Jean, mon vieil ami, je te dis adieu.


Henri Osinski



Musique

5 Le Chant des marais





Jean et moi ne sommes jamais allés ensemble au cinéma...

Ni au théâtre, au cirque, au Parc des Princes, dans une salle de musculation, dans un musée. Je ne me souviens pas avoir descendu les marches d’un club de jazz avec lui, lors-même que son frère René me sidérait par son talent. Militants tous deux de l’Union des Étudiants Communistes, nous échangions bien sûr nos points de vue, de temps à autre, autour d’un verre dans les parages de la Place Paul-Painlevé mais, ayant rapidement pris la mesure de nos divergences, lui trotskard, moi prochinois, nous avons d’un accord tacite enjambé ce mince obstacle pour passer à autre chose, bien difficile à définir. Le fait est, bien mystérieux, que pendant près de sept décennies, cette amitié, non scellée donc par une communauté d’idées ou de goûts, ne s’est jamais démentie. Se quitter parce que l’un croit au Ciel et l’autre pas ? Aime le Nouveau Roman ? La Nouvelle Vague ? Céline ? Kafka ? Beckett ? Liste infinie qui laisse l’autre de glace ? Eh bien ce n’était pas notre « genre » sans que ce fût jamais, d’ailleurs, formulé tel que. Quelque chose, qu’on peut appeler peut-être « tact » nous arrêtait dès que nous frôlions cette pierre d’achoppement qu’est la divergence de vues, pierre bien plus souvent bâtie sur la petite vanité personnelle que sur l’écoute attentive d’autrui.

Nous avions fait connaissance vers 1959, à la Ligne Générale, ce mouvement créé par Georges Perec et quelques autres pour – retenez votre souffle — refonder la culture française qui nous paraissait filer un mauvais coton, pertinente image quand on sait que ses principaux leaders étaient fils de tailleurs. Malgré des débuts prometteurs et grâce à l’appui irremplaçable des marxistes de Normale Sup auquel s’ajoutait celui des Temps Modernes, ce mouvement ne parvint pas à se maintenir plus de quelques mois et, signe des temps, combien de ses plus brillants orateurs devaient finir par devenir de Hauts-Conseillers du Prince… En dehors de Perec qui fit la carrière fulgurante que l’on sait, qu’avons-nous fait, nous les Grobla ? Les Lederer ? et tant d’autres que je ne nommerai pas ? Vécu, comme dit l’autre, profession très honorable et qui devrait compter dans l’attribution des points de retraite.

Le service militaire, d’abord. Je me souviens du départ de Jean, gare d’Austerlitz, Georges et moi, enfin libérés des drapeaux, l’avons accompagné jusqu'à la porte du train, secoué nos mouchoirs jusqu’à la fin. Son accablement était tel que quelques semaines plus tard, en vacances en Auvergne avec nos épouses respectives, nous avons décidé de lui faire un cadeau mais lequel, fauchés comme nous étions ? C’est alors que Georges a eu l’idée toute simple de ce que, longtemps après, nous avons appelé un bouquet de paperolles, de simples dessins au feutre et au marker, tout ce qui nous passait par la tête, puérils et joyeux, obscènes et vigoureux, un colis entier. Jean nous a raconté comment, dans l’abattement où il se trouvait alors, l’ouverture de ce colis fit neiger par terre les dizaines de ces paperolles sous les yeux ébahis des troufions qui l’entouraient : « cela m’a fait l’effet d’une perme de huit jours » me dit-il par la suite…

Peu d’événements saillants donc, et encore moins personnels (sauf que j’ai signé à la rubrique “ témoin ” le jour du mariage civil de jean et Nicole) mais je serais bien incapable de faire une biographie de Jean si on me le demandait. Juste le cours tranquille d’une amitié sûre d’elle-même et de l’autre. Désaccords sur mainte affaire ? Et alors ? Respect. Sens intime de la limite à ne pas dépasser. Peu d’épanchements.

Je n’ai pas souvenance d’anniversaires que nous ayons fêtés. Et alors ? Les années qui s’écoulaient ne s’en offusquaient pas et continuaient leur bonhomme de chemin. Une amitié pépère, donc. Deux Sam’suffit mitoyennes et contentes de l’être.

Jean était pour moi un Mensch, terme yiddish difficile à définir, un homme accompli, si l’on veut, abstraction faite de toute considération de position sociale, voire de magnitude au-dessus de la moyenne. Dans je ne sais plus quel western, un vieux sage propose cette devinette : « De quelle longueur doivent être les jambes ? » Réponse : « Assez longues pour toucher la terre ».

Jean avait cette longueur-là. Merci à lui.

Jacques Lederer


Musique

6 La Jeune Garde







La dernière de Jean


Cent vingt secondes pour l’adieu à un camarade devenu un ami. Dure contrainte !


Trop de copains, d’où la dernière de Jean : séance non homologuée de l’Oulipo au protocole du Père Lachaise !


Camarades à l’UEC, on se croisait pour des réunions. Malakoff c’est loin de Jacques-Decour, on ne connaissait rien de l’autre. Enfants de cette Pologne disparue, donc Pologne de nulle part. Survivants, souvent grâce à la solidarité d’anonymes, qualité rare aujourd’hui, survivants dispersés partout dans le monde, chacun ayant bricolé sa Pologne ; parfois, quand même, avec des débris d’archives.


Études, parcours, lieux de vie, et vies tout court, différents. Nous nous sommes perdus de vue.


Combien d’années déjà depuis ce coup d’œil par ma fenêtre au 4e ? Sortant du Parc Montsouris, soutenu aux aisselles par une mère et sa fille, c’était Jean, avançant pas à pas, péniblement sur l’allée Beckett. J’ai pensé fin de partie, je me trompais.


La vieillesse fut pour Jean, tout sauf un naufrage. Un combat tenace avec bulletins de santé parfois mensuels dans le genre bulletin d’état-major pour faire sourire. Ténacité admirée. Deux ou trois fois je lui en ai fait part, recevant en réponse son sourire fatigué mais ironique.


Sourire dernière image qui restera.


Georges Waysand




Musique

7 Les loups sont entrés dans Paris – Serge Reggiani



Le sourire de Jean (avril 2010)

Photo jeremy.stigter@gmail.com tel : 06 08 70 52 13

C’est au début des années soixante,


alors que nous étions étudiants et militants à l’UEC que nous nous sommes rencontrés.

La personnalité de Jean et ses qualités humaines ont immédiatement contribué à forger une amitié qui ne s’est jamais altérée et qui s’est même renforcée, au cours de toutes ces années.


Nous partagions les mêmes valeurs.


Dans les années soixante-dix, avec Nicole et Hélène, nous étions membres actifs de l’association des parents d’élèves de l’école primaire d’Olivier et de Fabrice notre fils. Les liens se renforçaient.


Malgré l’éloignement à certaines périodes, y compris à l’étranger, les amitiés communes nouées dans nos parcours, nous ont permis de maintenir nos liens. Je pense entre autres à Georges Bram, André Schklowsky, Gilbert Rotbart.


Je me souviens, pour paraphraser Georges Perec qui était un ami de Jean, d’un dimanche avec Philippe Robrieux, dans la maison de la mère de Nicole, dans l’Oise.


À la retraite, avec notre retour dans le 14e arrondissement, nous avons rétabli des relations régulières. Nous avons alors pris l’habitude de nous retrouver le vendredi matin, jour du marché, place de la mairie, au café la Commedia avec un groupe d’amis et de vieux camarades.


Au cours de ces rencontres régulières où nous refaisions le monde, nos discussions révélaient que les connaissances et les relations d’amitié de chacun d’entre nous avaient très souvent un lien avec Jean. Était-ce le fruit du hasard ? Je dirais, comme le pensait Einstein : il n’y a pas de hasard mais un concours de causalités multiples. Parmi ces causalités, la personnalité de Jean, son humanisme et son empathie contribuaient à tisser des liens forts. Il était la raison qui nous unissait les uns aux autres. Les nouveaux venus dans ce groupe d’amis découvraient sa personnalité et établissaient tout de suite des liens de confiance..


Jean avait une force vitale qui nous impressionnait et malgré la maladie qui l’avait envahi depuis plusieurs années, il ne se plaignait jamais.


Judith, Olivier, Nicole, vous l’avez soutenu jusqu’à la fin et vous avez permis que sa force de caractère et sa bonté soient un exemple d’humanité.


Gilbert Balavoine

Musiques

8 Les copains d’abord – Georges Brassens 9 L’affiche rouge – Léo Ferré

Comme plusieurs personnes avant moi,


j’ai connu Jean à l’Union des étudiants communistes, au retour de sa guerre d’Algérie. C’est-à-dire il y a près de soixante ans.


Nous n’étions alors que des camarades d’une organisation en pleine effervescence. Puis, c’est lors d’un fameux congrès que, toute une nuit durant, nous avons, avec d’autres, écrit — ensemble — une longue résolution.


À partir de là, nous sommes devenus amis.


Dans le train qui m’a amené à Paris hier soir, en repensant à Jean, deux mots se sont imposés à moi pour le caractériser : ces mots sont fidélité et complexité.


Fidélité aux idéaux du monde juif et communiste polonais de ses parents. Fidélité aux hommes et femmes de l’Affiche rouge dont nous venons d’entendre une évocation chantée. Et plus généralement, fidélité aux idéaux d’émancipation individuelle et collective du monde du travail.


Peut-être est-ce par fidélité à ce monde que Jean m’a prêté un jour un disque de musiques et chants juifs pour me faire connaître et aimer ce monde totalement inconnu de moi.


Quand je dis complexité, je fais référence à l’esprit d’analyse de Jean. Au-delà des apparences, voire des proclamations des uns et des autres, ce qui l’intéressait, c’était de comprendre le fond caché, travesti parfois, des phénomènes qui se produisent sous nos yeux. Au-delà du racisme, de l’antisémitisme, du nationalisme de certains, il cherchait à comprendre et à expliquer ce qui à notre époque jette des centaines de milliers de personnes dans la rue.


D’accord ou pas d’accord avec lui, la discussion était toujours amicale, riche et profitable.


Dans son livre Notre génération communiste, Philippe Robrieux parle de la finesse de Jean et dit qu’au bureau national, « il se distinguait par une personnalité et une indépendance de jugement déjà bien affirmées ». Enfin, il rend hommage à son courage lorsque, avec deux autres camarades seulement, il restera assis alors que toute la salle d’un congrès applaudissait debout le leader du PC.


Jean, tu as vraiment été ce que tes ancêtres appelaient un Mensch.

J’ajouterai que tu as été et que tu resteras des Nôtres.

Paquito Schmidt

Musique

10 A Glezele Lechaïm





(De retour du Gers, août 2014)



Jean,



Et puis, nous nous sommes retrouvés, quelques décennies plus tard, familiers. Des souvenirs de toi, j’en avais un plein carton. Penché méticuleux, sur nos quatre feuilles pour en faire un vrai journal. Et les soupers aux Halles, avec ton compère, François Leclerc – Salut, François – et ma commère Michèle Bedos, tous adeptes du pas de côté. Et tous les baklavas avalés, chez le Yougoslave de la rue Piat. Discuter, commenter, sans fin. Tu avais la longueur d'avance d’une demi-génération, celle de la guerre d'Algérie. À ce propos, j’ai appris récemment que tu l’as faite, cette guerre ! En avais-tu jamais parlé ? D’une façon générale, tu n’aimais pas mâcher le travail de tes interlocuteurs ; à eux de naviguer entre les plis de tes sourires, suggestifs, allusifs, sibyllins. Discret ou secret, Jean ? – Va savoir, dirais-tu…


Donc, nous nous sommes retrouvés. Nul besoin de : – et tu te souviens ?et tu te souviens ? D’emblée contemporains, dans le vif du sujet.





Ce livre que tu me recommandais, Les Livres de Jakób, d’Olga Tokarczuk, enfin commencé ; je savais que tu allais mal. Je l’ai lu avec tes yeux aussi. Il y est question de la fabrication des messies par le désir des autres. Dans l’organisation déjà, tu ne pratiquais pas la rhétorique messianique. À une question, tu préférerais répondre par une autre question. Quand j'ai décrit la connivence indicielle qui liait les Juifs de l’AMR, avec ta gestuelle, ton phrasé et tes paroles à double fond, tu occupais un premier rôle. Dernièrement, encouragé par mon livre, tu t'es autorisé à léguer à Judith, les souvenirs d'un petit Juif caché dans un village français. Ton universalisme foncier avait fait la part des choses.


Jean, j’ai tant aimé notre amitié.


Corinne Welger-Barboza




Musique

11 Les Grands Boulevards – Yves Montand




Les Grands Boulevards, c'est juste à côté que j'ai connu Jean en 1966, dans le petit logement qu'il occupait rue du Faubourg Saint-Denis au moment où il rejoignait les pablistes (une petite organisation trotskyste).

Bénéficiant d'une expérience bien plus importante que la nôtre, acquise à l'UEC, il était très sensible aux risques de dérives bureaucratiques des organisations politiques. J'avais déjà été frappé par son souci de la précision et sa capacité à repérer les sens éventuellement dangereux, cachés dans nos formulations : non, il ne serait pas un trotskyste comme un autre.

Un peu plus tard dans l'AMR, l'organisation que nous avions formée après 68, j'ai toujours remarqué son décryptage quasi kabbalistique des maximes que nous alignions sans retenue. Et les résolutions politiques qui émanaient de nos organismes de direction étaient d'un hermétisme se prêtant bien à une démarche talmudique.

Ensuite nous nous sommes retrouvés à la direction parisienne du PSU et nous avons mené nos affaires en contact quasi quotidien. C'est là que je t'ai connue, Nicole et nos rapports se sont élargis à nos familles.

Avec Rose, ma femme, nos relations se sont resserrées à tel point que Jean a été le témoin du mariage à la synagogue de ma fille Judith.

Incontestablement, au fil du temps, Jean devenait de plus en plus attaché à son destin juif. Il a conçu, vous le savez, un document d'une grande précision sur l'histoire de sa famille proche, protégée à la campagne pendant la guerre.

L'équipée des juifs résistants, l'histoire de la M.O.I., formaient comme un horizon qu'il projetait avec une grande perspicacité sur les événements du monde et ceci ne pouvait que nous rapprocher davantage.

Nous perdons un ami fidèle, toujours disponible, d'une sensibilité exceptionnelle. Mais Jean, tu resteras présent dans nos mémoires comme une référence heureuse.

Jean-Louis Weissberg

Musiques 12 La Chanson de Prévert – Serge Gainsbourg


13 Göttingen – Barbara




Jean Grobla était un ami très cher depuis plus de quarante ans.


J’avais fait sa connaissance par l’intermédiaire de sa femme, Nicole, avec qui je militais chez les parents d’élèves FCPE.


Nous avions de nombreux points en commun :


Nos parents étaient des juifs réfugiés en France, lui de Pologne, moi de l’Empire austro-hongrois.


Nous étions tous les deux cachés pendant la guerre, Jean dans le centre de la France, moi dans le sud de la France où je suis né, pour échapper au nazisme. De ce fait, nous sommes aujourd’hui tous les deux pensionnés du gouvernement allemand, par une même organisation : la Claims Conference.


Nous avons connu un engagement politique similaire, dans des organisations trotskystes différentes.


Nos familles respectives se fréquentaient. Nous nous rencontrions souvent, chez lui et Nicole, ou chez ma femme et moi, pour échanger nos points de vue, parfois très différents, mais toujours dans une complicité chaleureuse.


Car nous partagions de nombreux sujets de discussion : en politique évidemment, mais pas seulement car nous étions également curieux dans de nombreux autres domaines : historiques, philosophiques, scientifiques.


Salut à toi, Jean, ami fidèle et très cher. Tu t’es battu le plus longtemps possible pour rester auprès de ta chère Nicole.


Comme l’a très bien écrit ma femme Chantal, dans son mail de condoléances, nous t’assurons que nous continuerons à être aux côtés de Nicole, pas seulement par l’association féministe qu’elle a contribué à créer (REFH), mais aussi par ton souvenir, qui nous unit.


Je suis heureux d’avoir pu rencontrer des hommes et des femmes comme Jean et Nicole, de savoir que cela existe.


Raoul Salzberg

Musique

14 When The Saints – Louis Armstrong



Hommage à Jean


Acte I. La marche

Jean est entré dans ma vie quand j’avais environ trois ans : Jean a eu plusieurs vies et pour celle qu’il a vécue avec moi, il est né avec la barbe. J’avais six ans quand il m’a emmené à la Bourboule où je devais suivre une cure de trois semaines contre ce qui était pris pour de l’asthme. Ces matinées où je progressais à m’endurcir, Jean les mettait à profit pour organiser nos visites et nos excursions à pied de l’après-midi. Il m’emmenait chaque jour randonner vers un des volcans endormis qui s’apercevaient depuis le quai de la Dordogne. Je peux dire que Jean m‘a appris à marcher une seconde fois. C’est dans ce paysage qu’il m‘a apprivoisé. Lors de ces étranges vacances, j’ai contracté le virus de la géologie, un drôle de pathogène qui fait aimer les choses mortes : fossiles et minéraux. Cet été-là, Jean a commis une vraie action, une de celles qui engagent, qui exigent de donner tout de soi. C’est ainsi que Jean m’a adopté et ouvert une voie.


Acte II. La sœur

Quand j’avais huit ans j’ai eu une petite sœur. Jean fondait une famille avec ma mère, donc je pouvais commencer à croire qu’il ne nous quitterait pas. Mes cauchemars nocturnes allaient peut-être disparaître. Les cures allaient peut-être s’arrêter et on allait partir en vacances, tous ensemble. J’allais donner le biberon à un vrai bébé, battre le record de vitesse en poussette habitée, jouer à la bataille sur le tapis, devant la télé avant Il était une fois l’homme, lire à mon tour des histoires pour l’endormir, tout cela sous l’œil amusé et bienveillant de Jean, devenu mon père parce que notre père.


Acte III. Le drapeau

Jean m’a transmis des valeurs qui aujourd’hui semblent obsolètes tant le système capitaliste pénètre partout et dévoie tout. Jean m’a appris le passé de sa famille et au-delà, l’épopée des juifs communistes d’Europe centrale. J’ai compris et j’ai voulu en être. J’ai été des « Nôtres » selon le titre des souvenirs d’Élisabeth Poretski, non comme victime mais en militant. Jean m’a vacciné contre le stalinisme sans renoncer à assumer la révolution russe ni aucune autre, sans jeter Lénine ni Trotsky avec l’eau sale du bain de l’URSS. Peu nombreux sont ceux qui n’ont pas pris la pelle pour enterrer le communisme sous une diversité de vocables politiquement corrects. Encore moins nombreux sont ceux qui, comme Jean, ont su donner l’envie à un jeune de prendre le relai, de tenir bien haut le drapeau de la révolution sociale.


Épitaphe

La marche, la sœur, le drapeau : trois belles actions de Jean qui aimait la vie et l’humanité. Je rends grâce à ma mère d’avoir choisi, parmi les gens, de lier notre existence à ce Jean-là.


Olivier Fouché-Grobla

Musique (voir page suivante)



Musique

Hommage chanté par Judith Grobla


15 Papa est-ce que tu m’entends ? – Yentl (Extrait)?…Par Barbara Streisand



Papa, can you hear me?


God - our heavenly

Father Oh God - and my father

Who is also in heaven

May the light

Of this flickering candle

Illuminates the night the way

Your spirit illuminates my soul


Papa, can you hear me? Papa, can you see me? Papa, can you find me in the night?

Papa, are you near me? Papa, can you hear me? Papa, can you help me not be

Frightened?


Looking at the skies I seem to see a million eyes Which ones are yours? Where are you now that yersterday

Has waved goodbye And closed its doors? The night is so much darker. The wind is so much colder


The world I see is so much bigger

Now that I'm alone Papa, please forgive me Try to understand me

Papa, don't you know I had no choice?

Can you hear me praying Anything I'm saying Even though the night is filled

With voices?


I remember ev'rything you taught me

Every book I've ever read Can all the words in all the books

Help me to face what lies ahead?

The trees are so much taller

And I feel so much smaller

The moon is twice as lonely

And the stars are half as bright


Papa, how I love you.

Papa, how I need you.

Papa, how I miss you

Kissing me goodnight



Yentl (Extrait), Barbara Streisand

Legrand Michel Jean / Bergman Alan / Bergman Marilyn



Version française

[Prière] Oh Dieu - notre père qui êtes aux cieux Oh Dieu - et mon propre père Qui est au paradis Fait que la lumière vacillante de ces bougies

Illuminent la nuit comme Ton esprit illumine mon âme.

Papa est-ce que tu m'entends ? Papa est-ce que tu me vois ? Papa est-ce que tu peux me trouver dans la nuit ?

Papa es-tu près de moi ? Papa est-ce que tu m'entends ? Papa est-ce que tu peux m'aider à ne pas avoir peur ?


Je regarde le ciel et c'est comme si je voyais Des millions d'yeux, lesquels sont les tiens ? Où es-tu maintenant que le passé Est parti en fermant ses portes ? La nuit est tellement plus noire, Le vent est tellement plus froid,



Le monde que je vois est tellement plus grand

Maintenant que je suis seule. Papa s'il te plait pardonne moi,

Essaie de me comprendre, Papa, sais-tu que je n'avais pas le choix ? Est-ce que tu peux entendre ma prière Bien que la nuit soit remplie de ta voix.

Je me souviens de tout ce que tu m'as appris,

Tous les livres que j'ai lu ... Est-ce que tous ces mots Peuvent m'aider à aller de l'avant ?

Les arbres sont tellement plus haut

Et je me sens tellement plus petite

La lune est deux fois plus seule

Et les étoiles deux fois moins brillantes...


Papa comme je t'aime, Papa comme j'ai besoin de toi

Papa comme ça me manque Que tu me souhaites bonne nuit...





































(Petit déjeuner à Antibes, été 2009)


Musique

16 Douce France — Charles Trenet


12 vues0 commentaire
Post: Blog2_Post
bottom of page