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Lettre ouverte aux dirigeants libanais (un an plus tard)



Je vous hais. Je vous hais du plus profond de mon âme. Et ma haine est incommensurable. Je vous hais parce que vous avez tout détruit. Nos vies, nos rêves, nos relations. Vous avez écrasé notre dignité, écrabouillé notre avenir. Et vous continuez inlassablement à tout pourrir. Je vous hais parce qu’une fois de plus, vous nous forcez à nous séparer des gens qu’on aime. Vous brisez des familles. Vous brisez le cœur des mères, des pères, des frères, des sœurs, des enfants, des conjoints. Vous nous faites pleurer à chaque fois que quelqu’un s’en va pour s’offrir un avenir meilleur. Vous nous avez tout pris en installant pernicieusement en nous, avec vos tentacules, la peur, la douleur et la résignation. Vous êtes abjects, immondes, méprisables, vils et dégoûtants. Vous faites partie de la pire race humaine. Vous n’avez aucune décence, aucune empathie, aucune humanité ni aucun respect pour le peuple qui vous a élus. Aucun respect pour votre pays. Vous avez tout pillé, sucé jusqu’à la dernière goutte de sang qui coulait dans nos veines. Vous vous êtes approprié notre argent, notre pays, nos ressources. Et vous en voulez plus encore.

Je vous hais. Parce que vous nous avez plongés dans les ténèbres. Au sens propre et au sens figuré. Vous faites fuir le fuel alors que nous vivons dans la pénombre. Vous refusez que les 650 millions alloués au barrage de Bisri soient transférés pour une cause vitale : l’aide à votre peuple. Vous refusez les réformes en vous accrochant à vos sièges crasseux. Vous ricanez au visage de la communauté internationale. Vous laissez votre peuple crever de faim, mendier du pain. Vous laissez les Libanais perdre leurs emplois. Vous préférez aider les pays auxquels vous avez fait allégeance, en punissant vos gens. Vous ne faites que ce qui va dans votre propre intérêt. Vous êtes la honte de notre pays et vous êtes d’une laideur sans nom. Et alors que nous continuons notre descente infernale vers le fond, vous festoyez ensemble. Vous avez fait sortir vos enfants (et votre argent) du pays. Vos enfants qui sabrent le champagne sur la Côte d’Azur dans une villa à 20 000 euros, payée avec l’argent des Libanais. Vos enfants qui vivent dans de grands appartements achetés avec l’argent des Libanais. Vos enfants et vos proches qui font la fête sur les cimes libanaises ou qui voguent sur leur yacht au large de Portofino.

Je vous hais parce que le désespoir est devenu notre seul sentiment. Et il nous ronge. Nous dévore. Nous agonisons dans cette immense et écœurante prise d’otages. La plupart d’entre nous ne peuvent pas partir, faute de visa, d’argent, et/ou de perspective. Vous nous avez mis à genoux. Et nous vous laissons faire, parce que comme je l’avais écrit il y a quelques années, nous sommes un peuple de merde. Un peuple complice, amorphe, asservi. Un peuple qui lors des premières lueurs de la révolution nous a donné un semblant d’espoir, avant de replonger dans cette résilience que l’on nous envie. Mais de quelle résilience parlons-nous ? Nous vivons dans la merde. Dans tous les sens du terme. Nous avons failli à notre devoir. Nous sommes le déshonneur de ce pays que nous insultons chaque jour lorsque les choses vont mal. Ce pays qui ne nous a rien demandé. Ce pays qui aurait pu être le plus beau du monde et qui méritait ses surnoms et sa légende de ski et de plage le même jour. Ce pays qui a une histoire millénaire. Ce pays qui nous a offert les montagnes, la mer, les forêts, les rivières et le soleil. Ce pays qui avait tout pour lui. Et nous le laissons mourir. Nous l’enterrons main dans la main avec vous.

Je vous hais pour ça. Pour nous avoir paralysés. Nous avoir fait échanger notre patriotisme contre du cynisme. Nous avoir fait plier. Je vous hais, et je ne suis pas la seule. Je n’ai jamais souhaité de mal, même à mon pire ennemi. Et me voilà remplie de haine et de colère, priant tous les dieux de vous faire disparaître. Implorant les cieux de vous faire souffrir comme nous souffrons. De vous infliger les pires châtiments. Je supplie tous les saints de nous offrir un miracle. Et j’en suis arrivée à souhaiter l’ingérence d’un pays qui respecte les droits de l’homme et la dignité des individus.

Je vous hais de plus profond de mon être.


Par Médéa AZOURI, le 03 août 2020


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