Je réponds à C du C , dont le message m'a beaucoup ému, car elle est allemande née en 1943, et se demande comment éviter que tous ces évènements horribles ne se reproduisent. Je partage complètement cet avis, et j'ai toujours considéré que c'était un devoir pour nous tous de combattre toutes les résurgences de dictatures à caractère fasciste et aussi stalinien (et non communiste).
Je rajoute 3 anecdotes ;
Une première de Venny Langberg, amie de mes parents, originaire de Bulgarie, rescapée d'Auschwitz, ayant survécu à la marche de la mort. Venny a été arrêtée sur dénonciation dans un cabaret parisien, à l'âge de 20 ans et déportée dans sa tenue, sans se changer. Arrivée à Auschwitz, elle a été tondue et habillée de la tenue de prisonnier. Comme elle le racontait tous les ans au Mémorial de la Shoah à Paris : en 5 minutes, tu n'es plus un être humain. Elle est décédée récemment. Elle était dans un baraquement avec Simone Weil. Elle est venue souvent à la maison, ou on allait chez elle près du boulevard Exelmans Parmi ses souvenirs, outre qu'elle a subi les expériences médicales de Menguelé (il la faisait défiler nue devant lui, car elle était très belle; elle n'a plus pu avoir d'enfant), l'un de ses souvenirs nous a beaucoup marqués : elle travaillait dans une usine à tresser des fils et elle était maladroite. Le SS qui la surveillait avait un grand chien danois, à qui elle lançait régulièrement des morceaux de pain (malgré le manque de nourriture), et avec qui elle avait sympathisé. Mais, le SS, mécontent de son travail, a décidé de la fouetter de 20 coups de sa ceinture; le soir venu, elle a dû se mettre à genoux, pleurant toutes les larmes de son corps. Mais, au moment où il levait la ceinture, le chien s'est mis à gronder; cela s'est répété plusieurs fois, et il a finalement abandonné,est parti et elle ne l'a plus revu.
Autre anecdote, qui concernait son mari, juif résistant, qui s'est fait prendre et condamné à mort pour faits de résistance et enfermé pour être fusillé, je crois que c'était au Palais de justice de Paris. Tous les matins vers 5 heures, on entendait des pas se diriger vers une cellule, le bruit d’ouverture d'une porte de cellule puis, peu après, on en tendait dehors une fusillade pour une exécution. Un jour, il a eu l’idée d'appeler le gardien et de lui dire sa surprise d'être parmi les condamnés à mort, alors qu'il était juif et non résistant. Le gardien a appelé son chef qui est venu et l'a insulté, en le traitant de sale juif et en demandant qu'il soit déplacé ailleurs.
Autre et dernier exemple aujourd’hui, celui de mon beau-père, qui se trouvait dans une colonne de juifs cherchant à passer en Suisse. A un moment donné, son lacet étant défait, il s'est arrêter pour le relacer; son oncle l'a attendu. Pendant ce temps, la colonne a avancé et a traversé un pont un peu plus loin. Ils ont alors couru pour rattraper la colonne, mais un gendarme français s'est interposé à l'entrée du pont; ils ont essayé de parlementer pour qu'il les laisse passer. Le gendarme a refusé, en expliquant qu'il y avait la Gestapo de l'autre côté de la rivière. Ils ont été les seuls rescapés.
Ceux qui ont survécu ont eu de la chance ! Des anecdotes comme celles-là, j'en connais bien d'autres. Si on reconstitue les évènements qui ont conduit à ces horreurs, il faut donc éviter de reproduire les erreurs qui ont été commises, en particulier d'attendre stoïquement que cela passe. Il faut s'atteler, avant d'en arriver là, à combattre tout ce qui peut ressembler à une résurgence de ce type de dictature. C'est ce que j'ai choisi de faire avec mon militantisme politique et syndical; sacrifiant carrière professionnelle et même famille. Je me suis sans doute trompé, mais je peux me regarder devant la glace. @+. Raoul
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