Catherine et Raoul
- Raoul Salzberg
- 15 juil.
- 3 min de lecture

Chère Catherine,
Ce message de Pierre Goldman est très troublant effectivement. Il me ramène à mes fantasmes, qui n'ont rien à voir avec ce message.
Je ne me défais pas de l'idée qu'il devrait être possible, raisonnablement, de discuter avec des religieux ou des parareligieux (comme Manu).
Après de nombreuses tentatives, je constate que c'est mission Impossible : ils sont infranchissables dans leur enfermement intellectuel totalitaire. Le religieux ne supporte aucune contestation, quels que soient les arguments.
J'ai bien connu, et continue à le fréquenter, le totalitarisme religieux juif, qui ne supporte donc aucune contestation : il faut dire amen, sinon c'est l'exclusion de la communauté. C'est ce qu'a connu Baruch Spinoza, qui a vu, avant qu'il ne décide de rompre avec tout ce fatras religieux qui le destinait à devenir le grand rabbin d'Amsterdam, un autre juif de cette communauté d'Amsterdam, qui a refusé de se plier au dogme, puis, sous le harcèlement de cette communauté, est allé jusqu'au suicide.
C'est navrant, car je cherche avec force à discuter avec tout le monde, même mes pires ennemis, pour, par le dialogue, la courtoisie, arriver à négocier une quelconque ouverture.
Cet absolutisme religieux, cette volonté d'asservir à un dogme, est partagé aussi par des non religieux, comme Manu. Et par des fanatiques politiques, que j'ai connu chez certains trotskystes, qui interdisent toute discussion. J'avais essayé d'apporter une contribution écrite à la ligne politique du parti, qui m'a été refusée pendant un an, sous le prétexte qu'on n'avait pas le temps. De guerre lasse, j'ai démissionné, la rage au cœur, après 40 ans de militantisme, où j'avais sacrifié carrière professionnelle et une partie de ma vie de famille.
Ce monde d'échanges sérieux et de fraternité, je l'avais découvert dans le monde ouvrier, quand j'ai commencé à militer. Qui m'avait convaincu, car je ne le trouvais pas dans mon milieu bourgeois, obsédé par l'argent et le sexe.
Heureusement que je n'ai pas eu que des échecs, que j'ai rencontré aussi des gens chaleureux sans arrière pensée négative.
Je ressens comme un échec ce blocage avec Manu, comme je l'ai connu quand j'ai quitté le militantisme.
Ce qui est terrible, c'est que le monde d'aujourd'hui s'apprête à connaître des périodes difficiles, comme dans les années 1930. Et c'est la solidarité, la confiance, l'entraide, qui vont permettre de franchir ces épisodes malheureux avec succès, comme cela a été le cas contre le nazisme.
Et ceux qui prêchent la haine du prochain, qui est diabolisé parce que considéré lui-même comme haineux, sont dans une impasse. Et surtout, empêchent de s'exprimer ceux qui veulent sortir positivement de ce marasme.
Je pense avoir identifié chez toi une certaine sympathie au message d'amour du Christ, message malheureusement galvaudé. Car l'inquisition, l'esclavage, le colonialisme, se sont fait au nom du Christ.
3 sentiments que je déteste parce qu'ils aveuglent la compréhension de ceux qui les portent, ce sont l'orgueil, la paresse et la négligence. Dans mon travail scientifique, j'ai appris à m'en défaire. Cela mène à l'obscurantisme, au déni d'estime des autres, et à tous les travers d'une société dictatoriale par l'abjecte volonté de soumission qu'elle porte à l'égard des autres.
Chère Catherine, j'écris au fil de la plume et c'est un peu décousu, mais cela me vient du coeur.
Comme tout le monde, je porte les stigmates d'expériences malheureuses. qu'il faut accepter, car on ne refait pas le passé.
Je te souhaite de bien apprécier le plaisir de vivre, malgré toutes les vicissitudes.
Je t'embrasse.
Raoul
Copie à M., à mes filles, à C. et à ma cousine L.
Cher Raoul,
Tu es émouvant.
Merci pour ton message.
Oui, je respecte Christ et son enseignement. Mais j'ai perdu la foi chrétienne le jour de ma communion solennelle ...
Ensuite, mes parents nous disaient, en nous laissant le we, ma sœur et moi : n'oubliez pas d'aller à la messe !
C'était chez les moines bénédictins de la rue de la Source. J'y allais, pour obéir à mes parents, mais avec des classiques Larousse (préparation au bac).Un jour, je me suis presque évanouie, un moine est venu à mon secours et m'a fait boire un peu de Bénédictine, délicieux !
J'ai apprécié ton message et l'expressions : le plaisir de vivre.
Si je ne suis pas toujours franchement d'accord avec certaines de tes idées, je garde cela pour moi. D'ailleurs, je change souvent d'idées.
Tu as Chantal, tes amis, tes deux filles si sympathiques, et brillantes, tes réussites sociables et professionnelles, un petit-enfant je crois, bridge et sudoku, beaucoup aimeraient être à ta place !
Amitiés,
Catherine
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